La pascaline, vers le calcul analogique moderne


Un précédent article nous a ramenés plus de 2 millénaires en arrière pour découvrir la mystérieuse machine d’Anticythère, il est temps de s’intéresser à l’une de ses lointaines descendantes, non plus consacrée aux calculs astronomiques mais à des calculs bien plus terre à terre, des calculs financiers. Nous allons faire ici un véritable bon dans le temps, et revenir aux années 1640.

Avant les travaux pratiques

Si on connaît Pascal au travers des nombreux domaines dans lesquels il a eu des contributions importantes, on peut ignorer que son génie a commencé à se manifester dès l’âge de 16 ans. Il écrit son premier traité mathématique, autour des coniques (je vous laisse vous renseigner par vous-même, ce n’est pas le sujet ici, mais une manière d’introduire le personnage).

Alléger les calculs

Blaise Pascal, du haut de ses 19 ans, se mit en tête d’aider son père. Il élaborait à cet effet une machine à calculer, objet nouveau, sans prédécesseur connu (il faudra encore attendre 3 siècles pour que l’on retrouve la machine d’Anticythère). Avant cette machine, on utilisait couramment des abaques (tiens, encore une idée d’article 😊), qui n’avaient rien en commun avec une machine constituée d’engrenages et autres rouages. Imaginez le génie nécessaire pour concevoir un appareil capable d’effectuer les 4 opérations élémentaires, addition, soustraction, multiplication, division, par association de roues dentées et autres éléments mécaniques.

Un projet, 50 prototypes

Pour mettre en lumière l’importance de l’invention de Pascal, il faut réaliser qu’au XVIIème siècle, savoir faire une opération élémentaire (addition, soustraction, multiplication, division) sont réservés à quelques rares élus. L’immense majorité des la population n’a absolument aucune idée de comment procéder à ces calculs, élémentaires de notre point de vue moderne.

Pour vous donner une idée de la complexité mécanique de la bête, voici une illustration de son mécanisme :

Gravure représentant le mécanisme d'une pascaline.

Si la gravure permet déjà de se faire une idée du mécanisme de la machine, quoi de mieux qu’une présentation sur un exemplaire en chair et en os de ce fameux mécanisme.

On se trouve ici devant la première tentative pour déléguer dans leur totalité des calculs jusque-là réalisés par des cerveaux humains. Pascal créera plusieurs prototypes avant de parvenir à une version satisfaisante, qui bénéficiera de l’exclusivité royale (autrement dit, seul lui était autorisé à produire ces machines). Après 4 années de tests et de prototypage, Pascal parviendra à une machine fonctionnelle, capable de réaliser des calculs avec des nombres à 6 chiffres.

Une image valant mille mots, après avoir découvert les entrailles de la machine, voici une démonstration de calcul réalisé avec une pascaline.

Une machine, plusieurs versions

La fabrication d’une machine de calcul décimal n’était qu’une partie des travaux de Pascal, et il a également réalisé deux autres versions de sa machine :

On peut se demander pourquoi la machine décimale ne convenait pas aux calculs monétaires, c’est vrai, après tout, pourquoi créer une autre machine ???

Eh bien car le système monétaire de l’époque n’était pas décimal, mais avait la structure suivante :

Si le système monétaire avait été décimal, il aurait ressemblé à ceci :

On imagine bien que des calculs avec des bases variables (base 20 et 12 ici) ne peuvent pas être réalisés avec la même mécanique que des calculs décimaux (en base 10).

L’exclusivité royale ne fait pas tout

Quand on se penche sur l’histoire de la pascaline, on se rend assez vite compte que toute aussi révolutionnaire qu’elle ait été au XVIIème siècle, rares étaient les acheteurs capables de débourser l’équivalent de 6 mois de salaire dans une machine à calculer.

Dans les faits, Pascale n’a vendu en tout et pour tout 20 exemplaires de sa machine (bonjour jeune entrepreneur, vous venez de vivre votre premier échec ? J’ai la solution miracle pour rebondir !). Contrairement à la machine d’Anticythère, naufragée de l’histoire, le destin des pascalines a été moins brutal, et pas moins de 9 de ses exemplaires nous sont parvenus.

Et chance supplémentaire, 8 d’entre elles appartiennent à des musées, dont le Conservatoire National des Arts et Métiers, qui en possède pas moins de 5 !

Une révolution mesurée

Alors que la pascaline promet de réaliser des calculs autrefois purement réalisés par les humains, elle reste malgré tout à des années-lumière de nos calculatrices modernes, en cela que l’opérateur doit effectuer d’autres opérations que la saisie pour obtenir son résultat. C’est le cas notamment pour la multiplication et la division, qui sont réalisés sous forme d’additions ou de soustractions successives et nécessitent de mémoriser le nombre d’opérations réalisées pour assurer le résultat du calcul.

On retiendra tout de même que la pascaline était le premier outil de calcul capable de “mémoriser” ou de matérialiser la notion de retenue dans les calculs, mémoire qui n’a pas pu être mise en oeuvre par Pascal pour ce qui concerne les multiplications et les divisions. C’est un autre grand personnage de l’histoire des sciences qui viendra apporter sa pierre à l’édifice, il faudra attendre une trentaine d’année pour résoudre ce manque de la pascaline.

Conclusion

Le plus marquant dans cette histoire me semble le génie fou qu’il fallait pour transposer des opérations réalisées par nos cerveaux humains dans un appareil capable de les effectuer non plus à l’aide de neurones, mais à l’aide de roues dentées et d’engrenages. On le verra plus tard, cette machine constituera ensuite le premier pas vers l’un des objets le plus commun de nos jours, et qui est l’outil de travail de millions de personnes quotidiennement, l’ordinateur.

Mais rassurez-vous, le grand écart est trop périlleux pour être réalisé en une seule fois, et il nous reste encore de nombreuses escales à réaliser au coeur de l’histoire des sciences avant de parvenir à cette étape du développement des “machines pensantes”, les ordinateurs.

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